Séminaire organisé par le Groupement Français de l'Industrie de l'Information et la Fédération Nationale de la Presse d'information Spécialisée
Mardi 3 février 2004
Pourquoi ce séminaire ?
Alors que le phénomène de concentration se poursuit dans le secteur de l'information professionnelle et que les contenus presse sont la première source externe qui alimente les intranets, les éditeurs européens doivent avoir les moyens de développer leur offre de presse en ligne.
La presse bénéficie, sous réserve du respect de certains critères (Présenter un caractère d'intérêt général, paraître régulièrement au moins une fois par trimestre, faire l'objet d'une vente effective au public, ne pas avoir plus des 2/3 de leur surface consacrées à la publicité et aux annonces), d'un taux de TVA spécifique de 2,10%. Ce taux a été introduit pour ne pas pénaliser la lecture de la presse et pour pallier la faiblesse économique du secteur.
Toutefois seules les publications imprimées sur support papier peuvent en bénéficier. Ainsi la même publication sera assujettie à des régimes de TVA différents selon qu'elle est imprimée (2,10%) ou accessible en ligne (19,6%). Or l'édition électronique est aujourd'hui de plus en plus complémentaire et indissociable de l'édition papier.
La FNPS (Fédération Nationale de la Presse d'information Spécialisée) et le GFII (Groupement Français de l'Industrie de l'Information) proposent de rouvrir ce dossier, en faisant un point sur la fiscalité actuelle en France et les pratiques qui sont observées, en donnant la parole aux acteurs concernés, éditeurs et acheteurs, et en proposant un panorama des pratiques européennes.
A qui s'adresse ce séminaire ?
Editeurs, agences d'abonnement, agrégateurs d'information, responsables de centres de documentation et de bibliothèques, responsables d'intranet...
Alors que le phénomène de concentration se poursuit dans le secteur de l'information professionnelle et que les contenus presse sont la première source externe qui alimente les intranets, les éditeurs européens doivent avoir les moyens de développer leur offre de presse en ligne.
La presse bénéficie, sous réserve du respect de certains critères (Présenter un caractère d'intérêt général, paraître régulièrement au moins une fois par trimestre, faire l'objet d'une vente effective au public, ne pas avoir plus des 2/3 de leur surface consacrées à la publicité et aux annonces), d'un taux de TVA spécifique de 2,10%. Ce taux a été introduit pour ne pas pénaliser la lecture de la presse et pour pallier la faiblesse économique du secteur.
Toutefois seules les publications imprimées sur support papier peuvent en bénéficier. Ainsi la même publication sera assujettie à des régimes de TVA différents selon qu'elle est imprimée (2,10%) ou accessible en ligne (19,6%). Or l'édition électronique est aujourd'hui de plus en plus complémentaire et indissociable de l'édition papier.
La FNPS (Fédération Nationale de la Presse d'information Spécialisée) et le GFII (Groupement Français de l'Industrie de l'Information) proposent de rouvrir ce dossier, en faisant un point sur la fiscalité actuelle en France et les pratiques qui sont observées, en donnant la parole aux acteurs concernés, éditeurs et acheteurs, et en proposant un panorama des pratiques européennes.
A qui s'adresse ce séminaire ?
Editeurs, agences d'abonnement, agrégateurs d'information, responsables de centres de documentation et de bibliothèques, responsables d'intranet...
Patrice Martin-Lalande, Député, Co-Président du groupe d'études de l'Assemblée Nationale sur internet, technologies de l'information et de la communication et commerce électronique et Rapporteur spécial au nom de la commission des finances sur le budget de la culture et de la communication, a ouvert les débats en insistant sur les problèmes à résoudre pour le développement de la société de l'information : il faut avoir un contenu intéressant et avoir la garantie de l'authenticité et la fiabilité du contenu.
Concernant la TVA sur la presse électronique, Patrice Martin-Lalande a rappelé qu'il avait déposé un amendement sur le sujet en 2001. Quelque soit le gouvernement en place, la réponse a été toujours identique :
- la TVA est un problème qui se résout au niveau européen,
- la conception européenne de la presse en ligne est qu'il s'agit d'un service et qu'il n'y a pas de qualification particulière pour l'information.
Pour avancer, Patrice Martin-Lalande estime qu'il faut mettre en place un label "presse" pour les contenus en ligne et convaincre nos partenaires européens pour sortir la presse en ligne de l'agrégat indifférencié des services.
A l'issue des travaux de ce séminaire, Patrice Martin-Lalande a proposé de recevoir une délégation pour étudier la méthode à suivre pour faire avancer le dossier.
Patrice Martin-Lalande a ensuite répondu à de nombreuses questions de la salle.
Rémi Bilbaut, Swets Information Services, a rappelé que la transition vers les périodiques scientifiques implique un alourdissement de budgets des organismes de recherche en contexte de raréfaction des ressources.
Michel Vajou, MV Etudes et Conseil et rédacteur de la Dépêche du GFII, a souligné qu'il ne fallait pas limiter dans les discussions européennes la question de la baisse de la TVA aux entreprises de presse stricto-sensu.
Laurent Bérard-Quélin, FNPS, a rappelé qu'un argument souvent avancé par les opposants à la baisse de la TVA pour la presse en ligne est que la mise en ligne est moins coûteuse pour l'éditeur que la diffusion et la distribution de contenus papier.
Les éditeurs se sont vivement opposés à cet argument : la mise en ligne suppose des développements informatiques. Ces investissements sont certes moins coûteux que les investissements liés au routage, mais contrairement aux investissements liés aux systèmes de diffusion et de distribution, qui interviennent tous les 20 ans, les investissements techniques doivent être renouvelés tous les trois ans environ, afin de suivre les évolutions techniques.
Si économie il y a, elle doit permettre aux éditeurs non pas de verser des points de TVA supplémentaires à l'administration fiscale, mais d'investir davantage dans le contenu.
Yann Chapelon a souligné la concurrence déloyale sur Internet des flux provenant des chaînes de télévision, qui, elles, bénéficient d'une TVA à 5.5 %.
Le système n'est pas satisfaisant car on observe un traitement différent de contenus qui sont similaires, suivant que la source est d'origine audiovisuelle ou presse écrite.
Cela introduit une distorsion de concurrence, alors que la concurrence doit s'exercer pour développer le nombre de titres et le nombre de consommateurs d'information. Il faut baisser le coût d'accès à l'information.
Patrice Martin-Lalande a indiqué qu'effectivement la situation actuelle n'est pas satisfaisante : le système fiscal ne reflète pas la nouvelle donne de convergence entre médias qui jusqu'ici étaient bien distinct. Si des règles trop précises sont instituées, sans recul il y a un risque de mal réguler une évolution en train de se faire. Avec la convergence, les catégories cohérentes deviennent des catégories qui se recouvrent largement. Un certain nombre de textes sont en chantier (LEN, médias électroniques, transposition du paquet télécom) : du temps sera nécessaire pour les digérer. Ces textes vont être l'occasion d'une clarification (partielle) sur la définition des médias (et du régime fiscal qui s'applique) utilisant les réseaux.
Serge Chambaud a demandé au Député quelle était la sensibilité des parlementaires dans les autres pays européens sur le sujet.
Patrice Martin-Lalande a indiqué qu'il y avait actuellement peu de contacts sur ce sujet. Une manifestation d'échanges européens pilotée par les associations, sous le patronage de l'Assemblée nationale, serait utile.
Frédéric Morant, Président de la Commission fiscale de la Fédération Nationale d'information de la Presse Spécialisée, Directeur de la presse Transport, Groupe Liaisons, a ensuite fait le point sur la fiscalité en France.
Le taux à 19,6% sur la presse électronique est un choix par défaut. Les règles juridiques font que les 2,2% de la presse et les 5,5% du livre ne peuvent s'appliquer. De plus en tant qu'éditeur, M Morant a souligné la concurrence de services d'information produits sur fonds publics par les administrations.
Sur le terrain, par exemple au niveau des contrôles fiscaux on s'aperçoit qu'il n'y a pas de cohérence globale de la doctrine fiscale : les éditeurs sont dépendants de la sensibilité du vérificateur.
La presse imprimée relève des articles 72 et 73 du CGI , avec un taux 2,2% qui est considéré comme une aide indirecte à la distribution de la presse. Une réponse ministérielle en juin 2000 assimile les publications online à une prestation de service, ce qui est réducteur.
M. Morant a soulevé la question des produits composites (ou hybrides dans la dénomination fiscale), associant papier et électronique. En comptabilité, il faut répartir de manière très segmentée ce qui est affecté au produit papier et aux services électroniques. En l'absence de cette comptabilité analytique, le contrôleur fiscal aura tendance à requalifier l'ensemble de l'activité sous la notion de service. Dans la communication commerciale, il faut absolument distinguer le prix de l'électronique et le prix du papier.
Un biais possible est de considérer la publication électronique (par exemple sur CD) comme cadeau (mais on ne peut déduire la TVA payée aux fournisseurs). Mais un vérificateur a considéré qu'un cadeau ne pouvait être récurrent : l'affaire est devant les tribunaux et n'a pas été tranchée.
M. Morant a souligné également que dès lors qu'il y a des journalistes impliqués dans des publications en ligne, si cette mise en ligne n'a pas été négociée dans le contrat de travail, on ne peut pas mettre en ligne des articles sans accord préalable avec la SCAM, d'une part entre l'éditeur et la SCAM et le journaliste et la SCAM d'autre part.
Des questions ont été posées sur la notion de package et la communication du prix du package. Si on communique sur la remise, relativement à un package, du point de vue fiscal, on considérera que la remise s'applique à l'ensemble du package.
Si la remise s'applique uniquement au support électronique la communication doit être très claire sur ce point.
Rémi Bilbault a demandé si on avait connaissance de fraude fiscale, qui permettrait à un client de se dispenser de TVA en ayant recours à un fournisseur non localisé en France.
M. Morant a indiqué qu'il n'a pas connaissance de fraude avérée, mais a souligné qu'il y a un risque fiscal pour le client qui suivrait ce biais. Un texte interdit ce type de recours aux clients français qui donc seront pénalisés si ce type d'achat est dépisté, même s'il est plus difficile de suivre des ventes immatérielles.
La règle de base repose sur l'annexe H paragraphe 6, de la 6ème directive sur la TVA (1977/388/EEC). Celle-ci prévoit des exemptions pour les "printed matters", large gamme de supports "imprimés" qui est un signe de la volonté du législateur de ne pas être restrictif sur ce sujet. Une fiscalité dérogatoire est appliquée dans la plupart des pays (taux de 0 à 25%), la différentiation se fait selon les pays en mettant l'accent sur les "contenus culturels" En juillet 2003, une proposition de réforme des taux réduits de TVA a été soumise et est encore en discussion. L'objectif général était de réduire l'amplitude de ces taux. Les services à fort taux de main d'?uvre continueront de bénéficier d'une fiscalité dérogatoire.
Les points en débat :
- La musique (pas la music on-line)
- Les restaurants
- Les produits environnementaux
- Certaines transactions (non immobilières)
La directive 2002/38/EC, en vigueur depuis le 01/07/2003, clarifie la notion de "territorialité" de l'achat, définit les e-services, définit de nouvelles mesures d'accompagnement.
La question de l'hétérogénéité globale des régimes de TVA sur les contenus a été évoquée.
Un article indique clairement que les taux de TVA réduit ne s'appliquent pas aux e-services (adoptée sous la présidence française). Le même régime de taxation s'applique aux fournisseurs en ligne européens et non-européens.
La raison du différentiel de taxe s'explique par la différentiation de produit et la différence dans les réseaux de distribution. La question est de savoir si cela introduit un handicap pour le développement des média électroniques, alors que de nouveaux business modèles apparaissent.
La convergence des médias fait que les usages culturels de l'Internet ne peuvent se définir seulement en relation aux contenus. "If end-product is printed (print on demand) reduced rate continues to apply". Plus on utilise la technologie, plus on transforme la finalité du contenu. (vers d'autres utilisations que la simple impression).
Il est très difficile de définir des bases objectives satisfaisantes (quelle définition juridique ?) pour d'éventuelles réductions : qu'est-ce qu'un "contenu culturel", qu'est ce qu'une "publication scientifique ou académique".
Laurent Bérard-Quélin, Président de la Commission des médias électroniques d'information de la Fédération Nationale d'information de la Presse Spécialisée, Directeur de la Société Générale de Presse a détaillé les arguments pour une baisse de la TVA sur les médias électroniques.
Le métier des éditeurs est le métier de l'information, et celle-ci n'est pas liée à un support donné. Toute société a besoin d'une presse libre et indépendante. L'indépendance de la presse doit s'entendre aussi concernant les supports technologiques.
Il ne faut pas pénaliser fiscalement les éditeurs au moment où la presse gère une transition vers le multimédia.
Les aides à la presse représentent 200 millions d'euros par an par le biais de 2 structures : le fonds d'aide à l'édition multimedia, le fonds de modernisation de la presse.
Contrairement aux arguments avancés par les pouvoirs publics, les utilisateurs de services en ligne ne sont plus de nouveaux usagers. On observe une substitution de la lecture électronique à la lecture papier. La dégradation du service postal et les augmentations des tarifs postaux vont pousser dans ce sens.
Si on maintient les tarifs en répercutant une TVA à 19,6%, le taux de marge baisse de 14,5% ce qui n'est pas supportable d'autant plus que les économies liées à l'impression sur papier ne couvrent pas la baisse de la marge. De plus, papier et électronique continuent en parallèle en représentant un double poste de coûts. Les économies de l'électronique sur la distribution et l'impression sont compensées par des coûts marketing importants et par l'obsolescence rapide des plates-formes de distribution en ligne. La TVA réduite n'est pas une aide aux éditeurs, mais une aide au lecteur : si le taux de TVA "électronique" a une incidence plus importante sur les coûts globaux, les prix publics augmenteront forcément.
Il faut travailler dans le prolongement direct des produits papiers (changer l'article 72 du CGI qui fait référence à l'imprimeur). Il n'y a pas de référence non plus dans les textes européens (annexe H) sur le fait qu'un périodique est lié au support papier.
Yann Chapellon, Directeur Général, Le Monde Interactif a apporté un témoignage de terrain. Depuis 1995, il existe une rédaction interactive dédiée. Il a fallu attendre 2000 pour que se stabilisent les formats de contenus et les usages. Fin 2001, la masse critique a été suffisante pour tenter le passage au payant, même en présence d'un taux de transformation faible (modèle mixte : abonnement, vente au numéro, petites annonces, publicité). En avril 2002, une formule payante de lemonde.fr, destinée au grand public, a été lancée. Des débats internes virulents ont eu lieu sur la notion de "juste prix" : le prix a été fixé à 5? pour un abonnement mensuel.
Aujourd'hui lemonde.fr réalise un chiffre d'affaire de 3 M? avec 50 000 abonnés, et 2,5 millions de visiteurs uniques en janvier.
Avec ces chiffres d'affaires, le taux de TVA devient un vrai enjeu.
La vraie menace concurrentielle vient des diffuseurs audiovisuels - sans états d'âmes qui répercutent sur le Net le taux s'appliquant à l'audiovisuel (5.5 %).
Les écrans à "encre électronique" vont encore atténuer les frontières : Philips lance la production d'un écran pliable, les éditeurs suédois lancent une expérimentation "journal électronique" grandeur nature. Tout cela fait qu'à terme le marché et le bon sens trancheront.
Joachim Schopfel, responsable du département ressources documentaires, INIST-CNRS a ensuite présenté le point de vue d'un acheteur d'IST.
Vous trouverez ci-dessous la communication intégrale de l'auteur.
Présentation de l'INIST
Créé en 1989 sur le campus du technopôle de Nancy, l'Institut de l'Information Scientifique et Technique (INIST) est une unité propre de service du CNRS, sous la tutelle du Ministère de la Recherche. Sa mission est la collecte et la diffusion de l'information scientifique et technique aux communautés scientifiques du secteur public et privé (http://www.inist.fr).
Les ressources de l'INIST en quelques chiffres-clés (2003) : environ 350 professionnels de l'IST (surtout documentalistes, bibliothécaires, informaticiens, spécialistes des domaines scientifiques), un fonds documentaire qui couvre l'essentiel des domaines STM et SHS (8,700 abonnements, 300,000+ monographies), un budget de 22 M? (personnel, fonctionnement), des chiffres d'affaires de 6 M? (fourniture de documents, bases de données, veille, formation...).
En 2003, les dépenses pour l'acquisition de ressources documentaires s'élevaient à 5 M?, dont 4,8 M? pour l'abonnement aux revues scientifiques sous forme papier. Le budget 2004 pour l'accès des unités du CNRS aux ressources électroniques via les portails BiblioSciences, BiblioVie ou encore EvalSciences s'élève à environ 1,4 M?.
TVA@INIST
Presque 100% des ressources documentaires que l'INIST achète sont soumis à la TVA. L'analyse d'un échantillon représentatif de factures 2003 permet de mieux comprendre la réalité et les enjeux pour un acheteur d'IST.
Les revues européennes
Pour des commandes à hauteur de 2 M? (= 75% de tous les abonnements en provenance de l'Union Européenne), le fournisseur a facturé 49,700 ? en appliquant quatre taux de TVA différents :
Tableau 1 : Part de la TVA pour l'acquisition de revues européennes
Taux de TVA | Montant des factures | Montant de la TVA | Montant de la TVA |
Exonéré (0%) | 0,1% | 0% | 0 ? |
2,1% | 94,8% | 80,5% | 40,000 ? |
5,5% | 3,7% | 8,3% | 4,100 ? |
19,6% | 1,4% | 11,2% | 5,600 ? |
Le taux réduit de 2,1% (taux "normal" pour les revues scientifiques, cf. FNPS 2002) est appliqué à 94,8% des factures mais correspond à seulement 80,5% du montant total de la TVA, tandis que les taux de 5,5% (surtout séries de monographies) et 19,6% (annuaires etc.) qui s'appliquent à un peu plus de 5% des factures correspondent à presque 20% de la somme totale de la TVA. Quelques séries sont exonérées de la TVA (publications éditées par des organismes publics).
Les autres revues
Pour des commandes à hauteur de 1,8 M? (= 90% de tous les abonnements en provenance d'autres pays), le fournisseur a facturé 49,957 ? en appliquant trois taux de TVA différents :
Tableau 2 : Part de la TVA pour l'acquisition de revues non-européennes
Taux de TVA | Montant des factures | Montant de la TVA | Montant de la TVA |
2,1% | 95% | 70,6% | 35,293 ? |
5,5% | 1,1% | 2,2% | 1,078 ? |
19,6% | 3,9% | 27,2% | 13,587 ? |
Le taux réduit de 2,1% est appliqué à 95% des factures mais correspond à seulement 70,6% du montant total de la TVA, tandis que les taux de 5,5% et 19,6% qui ne s'appliquent qu'à 5% des factures correspondent à presque 30% de la somme totale de la TVA.
Les ressources électroniques
L'application du taux de 19,6% pour l'achat des ressources documentaires en ligne pour les portails du CNRS en 2004 correspondra à environ 275,000 ?, équivalant au coût moyen de 400 abonnements scientifiques.
Budget hors TVA
Ces quelques remarques permettent de mieux comprendre les montants en jeu et l'impact des différents taux de la TVA : tandis que seulement 5% des dépenses pour les revues sont assujettis à une TVA de 5,5% ou 19,6%, elles représentent plus de 25% du montant global de la taxe.
Néanmoins, pour l'INIST, en tant qu'unité du CNRS la situation se présente d'une autre façon car le budget du CNRS est hors taxe. Concrètement, cela veut dire que les factures des fournisseurs sont réglées avec TVA mais qu'ensuite l'agent comptable du CNRS centralise et effectue les opérations avec le Ministère de l'Economie et des Finances, avec remboursement de la TVA perçue. Les différents taux de TVA n'ont donc pas d'impact direct sur le budget de l'INIST.
La situation est différente pour d'autres bibliothèques qui elles doivent inclure la TVA dans leur budget.
Le coût de l'IST - position de principe
L'augmentation vertigineuse du prix des revues scientifiques est suivie et documentée depuis des années, l'impact sur les budgets et ressources documentaires des organismes de recherche et de l'enseignement supérieur également (cf. le rapport récent commandé par la fondation britannique Wellcome Trust 2003 ou Lesparre 2003). L'Association of Research Libraries (ARL) évalue l'accroissement des dépenses d'une bibliothèque de recherche américaine pour les abonnements entre 1986 et 2002 à 236%. Le Library Journal situe l'évolution des prix des revues entre 1999 et 2003 entre 35% et 50% (en fonction de pays et domaines, cf. Van Orsdel & Born 2003), pour 2004 l'augmentation des prix est estimée à 8-10% (cf. Swets et EBSCO 2003).
Le remplacement des revues traditionnelles par des ressources électroniques en ligne était censé atténuer l'inflation des coûts. En réalité, il l'a accentué.
L'accès aux ressources électroniques par les communautés scientifiques en France se développe rapidement depuis 1998. Jolly (2003) chiffre le "budget électronique" des bibliothèques universitaires en 2002 à 11,6 M?, équivalant à 227% des dépenses en 1998, avec un accroissement de la charge par rapport aux abonnements papier traditionnels d'environ 10-15%.
On sait que le budget des bibliothèques n'a pas suivi dans les mêmes proportions. Le résultat est décrit par Jolly (2003) : réduction de l'acquisition des monographies, concentration des abonnements sur la production des "grands éditeurs" STM au détriment des éditeurs de moindre taille. Citons comme exemple parmi d'autres la situation de crise du CADIST des Sciences de la Terre de la BIU Scientifique de Jussieu (2003) dont la subvention stagne depuis 1999 tandis que la dotation de fonctionnement baisse.
Face à cette situation, l'INIST s'est fortement engagé dans le mouvement international pour l'accès libre à l'information scientifique et technique (cf. http://www.inist.fr/openaccess), en organisant avec l'INSERM et d'autres organismes la 1e conférence sur l'accès libre à l'IST en janvier 2003 à Paris (cf. Grüttemeier & Mahon 2003) et en signant au nom du CNRS et avec d'autres organismes de recherche, notamment la Max-Planck-Gesellschaft, la déclaration de Berlin (cf. Berlin Declaration 2003).
La Directive 2002/38/CE du Conseil de l'Union Européenne du 7 mai 2002 (cf. Communautés Européennes 2002) ne fait qu'aggraver cette situation de crise, en excluant le taux réduit pour toutes les ressources électroniques (cf. aussi les explications sur la TVA sur le commerce électronique de la Commission Européenne 2004).
Une conséquence directe de cette Directive en vigueur depuis le 1er juillet 2003 a été l'application de la TVA de 19,6% pour tous les abonnements aux revues et bases de données américaines en ligne qui auparavant n'y étaient pas assujetties (cf. Direction Générale des Impôts 2003) avec un impact immédiat par exemple sur les budgets et choix documentaires des bibliothèques universitaires.
Fidèle à ses missions, l'INIST s'est engagé au sein du Groupe de Frankfurt, au côté d'autres organismes de recherche et ensemble avec des éditeurs, auteurs, distributeurs et agences d'abonnements, dans le but de rétablir au niveau européen et national le taux réduit pour l'accès à l'information scientifique et technique sous forme électronique.
Arguments techniques et politiques
La Directive 2002/38/CE s'appuie essentiellement sur le principe qu'avec le changement de support du papier à l'électronique, la nature même du produit "revue" change fondamentalement et s'apparente dorénavant à n'importe quel autre service électronique auquel s'applique le taux normal de TVA.
Le Groupe de Frankfurt développe une double argumentation en faveur du maintien d'un taux réduit, technique et politique-économique.
Technique d'abord : Le Groupe de Frankfurt plaide en faveur de l'indépendance du support (principe de neutralité), en arguant que le contenu et l'objectif d'une revue scientifique restent globalement les mêmes, qu'elle soit publiée sur papier ou diffusée sous forme électronique. Il rejète l'assimilation d'une revue scientifique à un service fourni par voie électronique. A ceci s'ajoutent deux observations, le problème des abonnements mixtes (papier/électronique) et le lien imposé par certains éditeurs entre le coût d'accès à la version électronique et l'interdiction de supprimer l'abonnement papier.
Politique-économique ensuite : D'une part, le Groupe de Frankfurt prévient de la distorsion de concurrence entre la situation aux Etats-Unis sans TVA sur les abonnements et l'Union Européenne qui passe pour le même produit d'un taux réduit au taux normal, aggravant sensiblement le handicap pour les établissements de recherche et d'enseignement supérieur des différents pays de l'Union Européenne. D'autre part, le group de Frankfurt défend le principe de l'équivalence de l'objectif et de l'utilisation et reprend l'argumentation des grands organismes de recherche européens pour l'accès à l'information scientifique et technique (cf. déclaration de Berlin 2003), en demandant d'inclure les secteurs de l'éducation et de la recherche dans la liste d'exception de la TVA. A la place de limiter le débat à une querelle de définition du contenu (produit ou service ?), le Groupe de Frankfurt introduit donc un autre principe, celui de l'utilisation de ce contenu, un principe qui est par exemple appliqué au droit d'auteur.
Un dernier aspect : Jusqu'à présent, la TVA est appliquée selon le principe d'origine, à l'exception des services scientifiques pour lesquels elle est appliquée selon le principe de destination ce qui facilite évidemment la gestion et permet une politique nationale d'accès à l'IST cohérente. Or, la nouvelle Directive tente d'inverser l'application générale et exception. Le Groupe de Frankfurt demande à ce que le principe de destination soit maintenu pour les services scientifiques pour éviter que le même produit - en particulier les revues électroniques - soit assujetti à différents taux de TVA en fonction du pays d'origine des publications. -
Pour donner une idée plus précise de l'enjeu, finalement deux chiffres : Le passage du taux réduit au taux normal implique pour les ressources en ligne du CNRS dans les portails de l'INIST un surcoût de 250,000 ?. Quant aux dépenses de BU, le surcoût peut être évalué à plus de 2 millions ?. Ces sommes doivent être appréciées par rapport aux difficultés financières auxquelles les organismes de recherche et l'enseignement supérieur doivent faire face aujourd'hui, ceci à un moment où le retard des investissements publics et privés de l'UE par rapport aux Etats-Unis devient une actualité majeure.
Que faire ?
Quelle est, quelle peut être l'action de l'INIST comme acheteur d'information pour faire face à la situation crée par la Directive de 2002 ? Ensemble avec le Groupe de Frankfurt, l'INIST propose trois axes d'action : 1. Intervenir auprès du gouvernement français en faveur d'une interprétation plus large de l'annexe H de la Directive 77/388/EEC qui détermine les produits pour lesquels le taux réduit est exigible. L'objectif est que cette interprétation inclue les revues scientifiques et techniques sous forme électronique au même titre que sous forme imprimée (printed material).
2. Intervenir auprès des ministères concernés afin qu'ils reconnaissent le besoin d'inclure l'information électronique pour la recherche et l'enseignement dans la liste des services assujettis à la TVA réduite lors des discussions par et avec la Commission Européenne.
3. Intervenir auprès des associations professionnelles nationales concernées (bibliothèques, éditeurs, intermédiaires...) afin qu'elles agissent dans le même sens auprès des autorités.
La participation de l'INIST au séminaire du GFII fait partie de cette action.
Bibliographie
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Berlin Declaration on Open Access to Knowledge in the Sciences and Humanities (2003). http://www.zim.mpg.de/openaccess (visited 2003-10-25).
CADIST des Sciences de la Terre (2003): "Lettre aux usagers du CADIST des Sciences de la Terre", avril. http://www.bius.jussieu.fr.
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http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/ecommerce/vat_fr_faq.htm.
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EBSCO (2003) : "Serials Price Projections and Cost History". http://www.ebsco.com.
Fédération Nationale de la Presse d'information Spécialisée FNPS (2002): "Taxe sur la valeur ajoutée : Régime de la Presse". La Lettre d'Info 106.
Frankfurt Group (2003) : "VAT threat to publishing, research, education and distant learning". http://www.sub.uni-goettingen.de/frankfurtgroup/.
Grüttemeier H. & Mahon B. (2003): Open Access to Scientific and Technical Information. Amsterdam: IOS Press.
Jolly C. (2003): "Documentation électronique à l'université". Bulletin des Bibliothèques de France, vol. 48, no. 4, pp. 5-8.
Lesparre J. (2003) : "S'abonner aux médias électroniques : combien ça coûte ?" Guide Pratique ARCHIMAG Les Publications Electroniques. Paris : SERDA, pp. 46-47.
Swets (2003) : "Serials Price Increases 2004". 08-10-03. http://www.swets.com.
Van Orsdel L. & Born K. (2003): "Big Chill on the Big Deal. 43rd Annual Report. Periodicals Price Survey 2003." Library Journal, April 15.
Wellcome Trust (2003): "Economic Analysis of Scientific Research Publishing". http://www.wellcome.ac.uk.
Note biographique
1984 Diplôme de fin d'études en psychologie à l'université de Hamburg. 1985-1990 Enseignant-chercheur au département de psychologie du développement et de l'éducation de l'université de Hamburg,. 1992 Doctorat 3e cycle en psychologie. Depuis 1991 Ingénieur à l'Institut de l'Information Scientifique et Technique du CNRS. Depuis 1992 Chargé de cours à l'université de Nancy 2 (UFR Connaissance de l'Homme, IUT Dpt. InfoCom). Depuis 1999 Responsable de la bibliothèque de l'INIST. Membre de l'UK Serials Group et d'EAGLE.